Environnement

Climat: faisons de la Belgique un modèle de transition juste

Malgré les avertissements, recommandations et même une condamnation en justice, la Belgique n’a toujours pas adopté une législation nationale cohérente pour faire face à l’urgence climatique. A défaut, le seul outil commun dont disposent aujourd’hui les différentes entités est le Plan national énergie-climat (PNEC). Pourtant, celui-ci est loin de répondre aux exigences européennes et internationales. La Coalition Climat demande donc de faire de ce plan un véritable levier pour accélérer la transition vers une Belgique climatiquement neutre et socialement juste. L’initiative annoncée par le gouvernement fédéral est un bon pas en ce sens, mais elle doit prendre une dimension nationale et être intégrée à la préparation du PNEC.

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Nos gouvernements ont huit mois pour élaborer le nouveau Plan national énergie-climat (PNEC) qui doit être soumis à la Commission européenne en 2023. En l’absence de loi climat s’imposant à toutes les entités, il est la pierre angulaire de notre politique climatique. En 2021, le plan actuel avait été sévèrement critiqué par la Commission européenne pour son manque de cohérence et d’ambition. S’ajoutait une autre critique portée sur l’intégration de la transition juste : « Des lacunes subsistent concernant la création d'emplois, la formation, la manière de toucher les groupes les plus démunis de la société, ou encore les efforts pour réduire la pauvreté énergétique ». Notons qu'entre-temps, à l’occasion de la COP 26, la Belgique s’est engagée, aux côtés d’autres pays, à intégrer la transition juste dans sa politique climatique, ce qui doit donc se traduire dans son nouveau plan national.

Pourtant, à l’heure de rédaction du nouveau plan, tout indique que les mêmes erreurs sont en passe d’être reproduites. Si l’actualisation du plan climat belge est l’occasion de doter le pays d’ambitions à la hauteur de ce qui est attendu face au défi climatique, elle est aussi l’opportunité d’intégrer concrètement les questions sociales aux questions climatiques.

La transition écologique, créatrice d’emplois…

Il est prouvé que la transition écologique peut être bénéfique au niveau social, en créant des emplois locaux de qualité, de nouvelles filières économiques associant respect de la nature et droits humains. Ainsi, une étude portant sur les impacts macroéconomiques d’une Belgique bas carbone, coordonnée par le bureau Climact avec l’Université d’Oxford, confirme que notre pays aurait tout à gagner en s’engageant plus sérieusement dans la transition écologique. Un des principaux avantages mis en évidence est la création de 80 000 emplois supplémentaires. Une autre étude, menée par l’agence européenne Eurofound, indique que la Belgique serait le gagnant numéro un parmi les États européens en termes d’emploi en cas de mise en oeuvre d’une politique climatique conforme à l’Accord de Paris.

En effet, pour une série de secteurs, les opportunités sont énormes, à commencer par ceux de l’économie circulaire, de l’efficacité énergétique, des énergies renouvelables, ainsi que celui de l’isolation des bâtiments. Des emplois seront également créés dans l’agriculture écologique ainsi que dans le secteur des transports (dans le transport public, les systèmes de voitures partagées, de l’entretien et construction de vélos, etc.).

… à nous de les rendre décents et justes

Intégrer la transition juste dans notre nouveau plan signifie que nous devons comprendre et anticiper les tendances à venir pour être capables de les accompagner. Cela nécessite des études fines et détaillées qui permettent de comprendre les dynamiques par région. Il s’agit également de s’adapter en transformant la formation continue et l’enseignement pour qu’ils soient capables de construire et pérenniser les compétences de demain. Il s’agit aussi de renforcer la concertation sociale pour construire des emplois décents accessibles à tout le monde. A ce sujet, l’égalité entre hommes et femmes est importante car les nouveaux emplois verts doivent s’ouvrir à toutes et tous. Sans une anticipation des pouvoirs publics en la matière, nous risquons de rater le coche ou de ne pas être capable d’offrir des emplois verts de qualité, qui permettent aux travailleuses et travailleurs de vivre dignement.

Sans moyens adéquats, pas de changements possibles

Comme pour toute mesure transformatrice, que ce soit dans le domaine de la santé, des pensions ou du climat, sans financements suffisants, les grands projets restent lettre morte. Il est donc nécessaire d’évaluer chaque année les besoins en financement de la transition juste. Une fois les besoins clarifiés et budgétisés, il conviendrait de mettre en place un plan pluriannuel qui oriente les investissements publics et privés dans la transition juste vers une Belgique climatiquement neutre, résiliente et 100 % renouvelable. Selon des calculs récents, cette démarche nécessite des investissements annuels complémentaires à hauteur de 2 % du PIB. Un montant qui peut paraître élevé, mais qui d’une part l’est bien moins que le coût de l’inaction et, d’autre part, assure une prospérité durable. C’est pourquoi il faut garantir chaque année un financement à la hauteur des besoins de la transition juste.

Inspirons- nous d’autres exemples en Europe

Le concept de transition juste n’est pas qu’un vague principe, il s’agit d’un modèle adopté conjointement, au sein de l’Organisation internationale du travail par les Etats, les entreprises et les syndicats. A travers le globe, mais aussi en Europe, il existe des modèles de mise en oeuvre dont nous pourrions nous inspirer. Ainsi, l’Ecosse a mis sur pied une commission permanente de la transition juste. Pour le gouvernement écossais, une transition juste c’est d’une part un processus, entrepris conjointement avec ceux et celles qui seront les plus touchés par la transition écologique, et d’autre part, un résultat, à savoir un avenir plus juste et plus vert pour tous. Pour soutenir la réalisation de cette ambition, le gouvernement écossais s'est engagé à établir des plans de transition juste, en concertation avec les communautés, les syndicats et les entreprises De même, aux Pays-Bas, l’équivalent de notre Conseil central de l’économie a développé une cartographie et un cadastre des emplois qui permet de savoir quels emplois disparaîtront et quels emplois pourront être créés en ayant une approche locale. C’est un outil clé pour anticiper l’avenir et préparer dès aujourd’hui le monde du travail aux emplois de demain.

Ne plus faire l’autruche

Notre pays a déjà connu des transformations économiques radicales mais mal préparées qui ont laissé des milliers de travailleuses et travailleurs sur le carreau. On pense bien sûr à la fin des charbonnages en Wallonie et en Flandre. Si l’on veut éviter un bis repetita, la transition juste ne doit pas rester un voeu pieu manquant de moyens et de cohérence. Les exigences européennes en matière de climat se renforcent année après année et ne pas entamer la transition bas carbone n’est désormais plus une option. La question réside désormais dans le courage politique des Etats et leur capacité à faire du défi climatique une opportunité pour la justice sociale.

La Belgique ne peut à elle seule sauver le climat, mais elle peut devenir un exemple pour le monde en montrant comment concilier climat et objectifs sociaux, réduisant ainsi l'insécurité, la pauvreté et les inégalités et améliorant la qualité de vie de la population. Notre modèle social a longtemps été un exemple, adaptons-le pour qu’il le reste dans ce contexte nouveau. Ne ratons pas le coche, fixons un cap clair avec des ambitions en matière de transition juste et écologique. Le 24 mai prochain, la ministre fédérale du Climat, Zakia Khattabi, lancera officiellement une initiative en ce sens, une démarche à saluer. Pour réellement faire de la transition juste la colonne vertébrale de nos politiques climatiques, il importe cependant qu’un tel processus devienne national et soit intégré de façon transversale à toute la préparation du futur PNEC.

Nicolas Van Nuffel, Président de la Coalition Climat
Xavier Brenez, Directeur Général de l’ Union Nationale des Mutualités Libres
Els Hertogen, Algemeen directeur 11.11.11
Peter Wouters, Voorzitter Beweging.net
Danny Jacobs, Algemeen directeur Bond Beter Leefmilieu
Mario Coppens, Président de la CGSLB
Olivier Valenti, Secrétaire national de la CGSLB
Marc Alexander, Climate Express en 11 maart-beweging
Filip De Bodt, Climaxi
Arnaud Zacharie, Secrétaire général du CNCD-11.11.11
Marc Lemaire, Coalition Kaya
Elisabeth Degryse, Vice-présidente de l’ Alliance Nationale des mutualités chrétiennes
Marc Leemans, Président de la CSC
Marie-Hélène Ska, Secrétaire générale de la CSC
Karel Malfliet, Ecokerk
Els Lauriks, Coördinatrice FairFin
Thierry Bodson, Président de la FGTB Fédérale
Miranda Ulens, Algemeen secretaris FGTB Fédérale
Manuel Eggen, Fian Belgique
Bernard Bayot, Directeur Financité
Thérèse Snoy, Présidente Grands-parents pour le climat
 

Valérie del Re, Directrice de Greenpeace
Bernard Hubeau & Hugo van Dienderen, Voorzitters Grootouders voor het klimaat
Sara Eelen, Hart boven Hard en Klimaatdichters
Sarah Tak, Coordinateur l'Affaire Climat
Sylvie Meekers, Directrice Générale IEW
Michel Vanhoorne, Coördinator van het Links Ecologisch Forum
Ariane Estenne, Présidente du Mouvement Ouvrier Chrétien
Bart Vangansbeke, Voorzitter Natuurpunt
Oxfam Belgique-België
Vanya Verschoore, Coördinator bij Reset.Vlaanderen VZW
Dominique Ceuppens, Director Advocacy & Communication UNICEF Belgique
Bart Dewael, Secrétaire-Général de l’ Union Nationale des Mutualités Libérales
Anna Paeshuyse, VN-jongerenvertegenwoordiger, Vlaamse Jeugdraad
Antoine Lebrun, CEO WWF Belgium
Sofie Luyten, Director National Programs and Deputy-CEO WWF Belgium