Digitalisation

Technologie médicale numérique : opportunités et obstacles à la poursuite de l'innovation

Parler de digitalisation des soins, c'est aussi parler de technologie médicale et de dispositifs médicaux. Nous nous sommes entretenus avec Marnix Denys et Steven Vandeput de beMedTech, la fédération belge de l'industrie des technologies médicales. Lisez ici leur plaidoyer pour (un peu) plus d'agilité dans les soins.

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Marnix Denys & Steven Vandeput

Quel est le rôle de beMedTech ?

Marnix Denys (Managing Director): “Nous suivons tout ce qui relève du règlement européen relatif aux dispositifs médicaux, c'est-à-dire tous les dispositifs avec un impact médical. Les biens de consommation qui sont uniquement utilisés par des particuliers, comme les montres connectées, n’en font pas partie. Notre principale préoccupation est de veiller à ce que l'innovation parvienne au patient et au prestataire de soins. Cela inclut également toute la discussion relative à l'utilisation des données, car sans données, aucune analyse médicale ne peut être réalisée."

La digitalisation des soins est une notion assez large. Pouvez-vous transposer cela concrètement en dispositifs médicaux ?

Steven Vandeput (Advisor Digital MedTech): “Notre fédération se réfère à trois catégories. Une première catégorie regroupe tout ce qui concerne la santé mobile. Cela inclut les technologies qui permettent au patient d’interagir avec le prestataire de soins. Par exemple, la surveillance à distance des malades chroniques. Des patients diabétiques, les applications cardio, le monitoring du sommeil... Le recours à ces innovations se fait sur prescription du prestataire de soins ou en concertation avec lui. C'est là que se situe la différence avec les apps mises directement à disposition du consommateur et qui ont trait au lifestyle, au fitness, au bien-être ou au coaching et pour lesquelles il n’y a pas d’implication du prestataire de soins.

La deuxième catégorie vise les systèmes d'aide à la décision clinique. Ces derniers sont utilisés par les professionnels de la santé eux-mêmes. Il s'agit aujourd’hui principalement du médecin spécialiste dans un contexte hospitalier. Par exemple, la radiologie, où un logiciel spécifique peut déjà donner une certaine interprétation de l'imagerie. Mais il y a certainement aussi du potentiel pour les médecins généralistes. En cartographiant les symptômes et en tirant des enseignements des cas précédents, des diagnostics plus ciblés peuvent être élaborés.

Une troisième catégorie, encore relativement restreinte à ce stade mais en forte croissance, regroupe les thérapies numériques. Celles-ci se distinguent des autres applications digitales de santé, qui se limitent, elles, au monitoring et au soutien du patient sans proposer de thérapie. Prenons l’exemple d’un patient diabétique avec un capteur en boucle fermée. Le système fonctionne de manière autonome grâce à l’intervention de programmes intelligents qui analysent la teneur en glucose grâce à un capteur. La quantité d’insuline à administrer est ensuite calculée et le système pilote la pompe à insuline. La sédation artificielle via la réalité virtuelle en est une autre application intéressante qui peut, dans certains cas, remplacer l’anesthésie classique. Ces applications peuvent aussi combattre les douleurs et s’attaquer aux souffrances mentales."

Et qu’en pensent les médecins ?

Steven Vandeput: “Il est essentiel de créer de la confiance. La méfiance est souvent injustifiée. Le médecin n'est pas remplacé, mais soutenu dans sa prise de décision. Il est également de plus en plus difficile pour les médecins d'être au courant de tout. 
Les algorithmes peuvent aider à déterminer la prochaine étape. Ils peuvent également permettre à un spécialiste moins formé d'utiliser les mêmes connaissances qu'un spécialiste plus expérimenté.”
Marnix Denys: “De plus, ils peuvent prendre en charge les tâches plus répétitives, ce qui permet de libérer du temps pour se concentrer sur d'autres aspects. Comme le contact humain avec le patient, pour ne citer qu'un exemple.”

Cela peut donc même rendre la profession plus attrayante, selon vous ?

“Bien sûr. Et cela sera nécessaire. Les prestataires de soins devront disposer de ressources supplémentaires. Si on ne veut pas que les prestataires de soins soient submergés parce que la population vieillit et parce que les prestataires de soins eux-mêmes prennent leur pension, il faudra se saisir de cette question et y réfléchir de toute urgence. Dans 10 ans, nous devrons faire venir des infirmières d’un peu partout, car nous n'en aurons pas ici. Je suis convaincu que la technologie contribuera à résoudre le problème des ressources humaines dans le secteur des soins.”

Notre système actuel de soins ne s’appuie-t-il pas suffisamment sur la technologie médicale numérique ?

“Sans aucun doute. Je donne toujours l'exemple de l'artère coronaire. Auparavant, la taille d'une sténose était mesurée à l'aide d'un cathéter peu invasif placé dans l'aine. Pas entièrement sans risque. Vous pouvez réaliser la même mesure avec l'imagerie. Mais le premier est remboursé, le second pas. Les développeurs de ces dispositifs médicaux se heurtent toujours au même argument : ce n’est pas remboursé. Et alors, ça s'arrête.

Aux Pays-Bas, le système est différent. Ils travaillent avec un remboursement pour une combinaison diagnostic-traitement. Un forfait est proposé, permettant au médecin de décider de la méthode la plus appropriée pour le patient. Il faut donc choisir d’accorder ou non davantage de confiance au professionnel de la santé.

Résultat : il y aura moins d’innovations rapides que dans d'autres pays. En Belgique, nous avons au moins 4 ans de retard en la matière.”

Pouvons-nous également étendre cette conclusion en comparant avec d'autres pays ?

"Je pense qu'en Europe, dans ce domaine, nous sommes l'un des derniers à inclure l'innovation. Le raisonnement derrière notre système est que nous voulons principalement contrôler le budget. Et nous le faisons bien. Mais peut-être devriez-vous poser la question dans l'autre sens : quel niveau de santé pouvons-nous atteindre avec le budget dont nous disposons ? Nous pensons qu'une vision plus holistique permet d'éliminer le gaspillage du système.

Le défi des technologies médicales numériques est qu’elles modifient dans la plupart des cas le processus de soins. Quand un nouveau médicament arrive sur le marché, ce problème ne se pose pas. Le processus reste inchangé :  le médecin prescrit et le patient consomme le médicament."

Et le patient ? Qu’a-t-il à y gagner ?

Steven Vandeput: "Il y gagne à différents niveaux. Les projets pilotes précédents, mis en place par l'ancienne ministre Maggie De Block, nous ont appris que les patients considèrent comme très positif le fait de prendre leur santé en main. Après tout, vous pouvez demander des données et en faire vous-même le suivi. Ceci permet également d'interagir davantage avec le prestataire de soins.

L'une des principales préoccupations est la confidentialité des données. Mais, heureusement, nous disposons d’une législation très stricte."

Vous trouverez de plus amples informations sur les activités et les positions de beMedTech sur le site web de l'organisation. 
bemedtech.be