Environnement

Environnement et santé : la Flandre doit mettre les bouchées doubles

Le 4 décembre, la Flandre organise une conférence sur la santé environnementale et la nécessité de mieux protéger la santé publique contre la pollution environnementale et le changement climatique. Par le biais de cette initiative, la Ministre Crevits admet qu'une meilleure protection de notre santé contre ces risques est une priorité. Mais pour mieux protéger la santé publique, il faut s’attaquer plus efficacement aux causes. Et c’est là que le bât blesse. Sans quoi, ne persistons-nous pas à nous battre contre des moulins à vent ?

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Opiniestuk milieugezondheidsdoelstelling

L’impact de la pollution environnementale et du changement climatique est l’un des enjeux majeurs pour la santé publique et le système des soins de santé. Et l’idée fait de plus au plus son chemin auprès d’un plus large public. La pollution aux PFAS en Flandre  a soudainement fait prendre conscience à la population que nul n’est à l’abri. Les habitants de Zwijndrecht et ses alentours peuvent faire un test sanguin pour déceler la présence de ces « polluants éternels » dans leur sang. Récemment, la même possibilité a également été proposée aux habitants de Beringen et de Renaix. Au total, ce sont 17.000 lieux de pollution aux PFAS qui ont été identifiés en Europe.

Si la qualité de l'air s’améliore, les perspectives scientifiques évoluent aussi. C’est la raison pour laquelle l’Organisation mondiale de la santé a durci ses directives relatives aux normes sur la qualité de l'air en 2021. Les preuves scientifiques de l’impact de la pollution atmosphérique sur notre santé physique et mentale s’amoncèlent. D’après l'édition récente de la brochure Health at a Glance 2023 de l’OCDE, il s’avère d'ailleurs que le nombre de décès découlant de la pollution atmosphérique est plus élevé en Belgique que la moyenne de l’OCDE. Sans oublier le coût financier que cela entraîne, même pour l’assurance maladie. Une étude récente des Mutualités Libres a montré que tout habitant d’un quartier soumis à une forte concentration de particules fines se rend plus souvent chez le médecin généraliste. Par ailleurs, peu de quartiers dans notre pays, surtout en Flandre, satisfont aux directives de l’Organisation mondiale de la santé en matière de particules fines.

Les conséquences du changement climatique sont également de plus en plus claires. Dès lors, il est particulièrement déplorable que la Flandre n’envoie qu’une poignée de techniciens au Sommet mondial de l’action sur le climat, la COP28, à Dubaï, d’autant plus qu’elle organise pour la première fois une journée spéciale dédiée à la santé. Car notre santé souffre toujours plus du changement climatique. La hausse des températures et du nombre de vagues de chaleur représente un défi de plus en plus important, surtout en milieu urbain. Suivant l’OCDE, la Belgique fait partie des 6 pays de l’organisation où la proportion de population exposée à des journées chaudes en été a plus que doublé entre 2000-2004 et 2017-2021. En outre, le rôle joué par des zones vertes n’est pas à sous-estimer et la concrétisation du concept « Healthy Cities et Tree equity » mérite qu’on lui accorde davantage d’attention. N’oublions pas que les conséquences du changement climatique - tout comme celles de la pollution environnementale du reste - sont inégalement réparties, ce qui rend essentielles des mesures pour une Transition Juste. Les présidents du Haut Comité pour une Transition Juste sont très clairs à ce sujet dans leur mémorandum : la politique environnementale risque de provoquer une augmentation des inégalités.

Les mesures préventives visant à mieux informer la population sont essentielles. Mais le grand défi consiste à s’attaquer aux causes de la pollution. Il y a des réalisations positives comme le plan d’action PFAS qui comprend 50 actions concrètes. Néanmoins, la Flandre peut faire encore mieux. Dans la note conceptuelle « Vision relative aux substances extrêmement préoccupantes (SVHC) », l'objectif suivant pose question : chasser ces SVHC de notre cadre de vie afin de ramener la pollution de l’air, de l’eau et du sol à des niveaux acceptables pour l’homme et l’environnement d’ici 2050. Faut-il encore attendre 27 ans pour arriver à des « niveaux acceptables » de pollution en Flandre ? La Flandre ne doit-elle pas être plus ambitieuse ? On peut soutenir le même raisonnement pour la discussion sur la révision des normes européennes en matière de qualité de l'air : la Flandre n’aurait-elle pas dû plaider en faveur d’une implémentation plus rapide de normes plus strictes ? Et n’aurait-il pas été préférable que la Flandre participe avec une délégation plus importante à la COP28 où des représentants du monde entier se réunissent pour discuter de l’avenir de notre planète et de notre santé ?

La présidence belge du Conseil de l’UE démarre dans quelques semaines. Une opportunité pour la Belgique et la Flandre de montrer que ces thèmes sont effectivement importants. La Flandre planifie une conférence de deux jours sur les PFAS à Anvers. Au programme figurent aussi des conférences sur la Transition Juste et la qualité de l'air en environnement urbain. En outre, tous les regards seront tournés vers notre pays dans la quête d’un accord européen entre le Conseil et le Parlement européen dans le dossier relatif aux normes de la qualité de l’air. Croisons les doigts pour que cet accord soit ambitieux. Les prochaines années, la Flandre devra mettre les bouchées doubles pour implémenter la directive européenne.

2024 est de surcroît une année électorale. Veiller à un cadre de vie sain, à une société résiliente au changement climatique en vue d’opérer une Transition Juste devrait figurer en tête de liste de chaque parti politique. Si l'Europe joue un rôle important en la matière, la Flandre dispose aussi de compétences pour faire une différence entre les divers domaines d’action. La conférence sur la santé du 4 décembre a lancé un signal important, mais il serait bon que la Flandre intensifie ses efforts car cela n’a pas de sens de se battre contre des moulins à vent.

Carte blanche

Xavier Brenez, Directeur-général des Mutualités Libres