Transcription podcast : Les données de santé

Dans un souci d’accessibilité pour toutes et tous, nous vous proposons ici la transcription complète de cet épisode. Vous pouvez la lire à la place ou en complément de l’écoute audio.

Écoutez l’épisode ici. Retrouvez ci-dessous la version texte intégrale :

[Introduction musicale] 

MARIANNE : Imaginez un monde où chaque consultation, chaque médicament prescrit et chaque diagnostic posé contribuent à améliorer non seulement la santé d'un patient, mais aussi celle de toute une population. Aujourd'hui, les données de santé sont partout. On en parle dans le podcast des Mutualités Libres. 

[Musique]

MARIANNE : Bienvenue dans le podcast des Mutualités Libres. Aujourd'hui, on sait que les données de santé sont partout. Elles sont dans les dossiers médicaux, dans les remboursements de soins et même sur nos montres connectées. Mais comment les mutualités peuvent-elles transformer cette mine d'infos en un levier puissant pour une meilleure santé publique ? Comment garantir un équilibre entre innovation et protection des données personnelles ? Et puis surtout, ces données numériques peuvent elles, aider les citoyens à mieux prendre leur santé en main ? Pour répondre à ces questions, je reçois Grégory Pierquin. Bonjour Grégory. 

GREGORY PIERQUIN : Bonjour Marianne, merci de m'avoir invité. 

MARIANNE : Avec plaisir. Alors on est aujourd'hui là pour parler des données de santé. Tu es Chief Data Officer pour les Mutualités Libres, aussi connu sous le nom de Partenamut en Wallonie et à Bruxelles. Alors commençons un peu avec les bases. C'est quoi, Grégory, les données de santé ? 

GREGORY PIERQUIN : Les données de santé, c'est toutes les informations relatives à la santé physique ou mentale d'une personne ou d'une population. Il peut s'agir, par exemple, des diagnostics, des traitements, des médicaments, des hospitalisations. Par ailleurs, les gens utilisent aussi de plus en plus d'accessoires connectés tels que les montres intelligentes. Cela va générer aussi des données de santé. On peut penser au pouls ou l'activité physique qui est mesurée et qui est collectée dans les applications mobiles. 

MARIANNE : Et ça, c'est tout ce qui est donné au niveau de l'individu. Est ce qu'il y a aussi des données de santé au niveau plus large ? 

GREGORY PIERQUIN : Oui, l'ambition c'est d'utiliser toutes ces données ensemble, dans l'intérêt de tous. Parce qu'en fait, grâce aux données de santé, les mutualités vont avoir une meilleure compréhension de l'utilisation de notre système de santé. On va pouvoir ainsi mieux contrôler, par exemple, la réalisation des objectifs de santé convenus ou veiller à la durabilité financière de l'assurance maladie invalidité. D'autre part, ces données électroniques de santé permettent aux mutualités de soutenir leurs membres dans leurs besoins de soins. On va monitorer l'accessibilité aux soins, veiller à la qualité des soins ou encore les accompagner dans la recherche d'un mode de vie sain. Utiliser les données de santé à bon escient, ça permet aux mutualités de soutenir la politique de santé, mais aussi de mieux répondre aux besoins de leurs membres. 

MARIANNE : Que font alors les mutualités de ces données ? Est-ce qu'elles vont les utiliser, par exemple, à d'autres fins que la gestion simple, entre guillemets, des remboursements de prestations de soins ou de médicaments ? 

GREGORY PIERQUIN : Alors, il faut distinguer ce qu'on appelle l'utilisation primaire et l'utilisation secondaire des données de santé. Tout d'abord, dans l'utilisation primaire, il va s'agir d'utiliser les données de santé pour la prestation de services de santé afin d'évaluer ou de rétablir l'état de santé des gens. Ça peut être les prescriptions, fournitures de médicaments, dispositifs médicaux, mais c'est aussi tout ce qui est au niveau administratif, ou alors tout ce qui est utilisable pour les remboursements. C'est des données qu'on va retrouver, par exemple, dans le dossier électronique du patient ou dans le trajet de santé, par exemple, des informations sur les vaccinations de grippe. Et, dans ce contexte, il faut souligner qu'il y a plusieurs plateformes qui existent en Belgique selon laquelle les patients peuvent voir leurs données. C'est extrêmement important que ce soit sécurisé, que ce soit transparent, et ça permet en fait l'échange des informations entre les différents prestataires, que ce soit les hôpitaux, médecins ou autres prestataires de soins. 

MARIANNE : Et ça, c'est tout le volet utilisation primaire. Il y a aussi le volet utilisation secondaire ?

GREGORY PIERQUIN : Oui, alors l'utilisation secondaire, ça va être utiliser ces données par des tiers pour développer des politiques de santé, mener des recherches ou bien pour soutenir l'innovation. C'est dans ce contexte que les mutualités sont amenées à travailler avec les données de santé. Par exemple pour faire des études, détecter en matière de santé dans la société, on va avoir des analyses. On en a fait plusieurs, par exemple, sur la consommation des médicaments ou la qualité de l'air, l'impact de la qualité de l'air sur notre santé, mais on peut avoir d'autres études et, à côté de ça, on va pouvoir utiliser ces données pour faire des services supplémentaires, pour amener des conseils personnalisés, pour apporter des produits qui sont adaptés à des groupes cibles, comme par exemple, les jeunes parents. Evidemment, avec le consentement de nos membres.  

MARIANNE : Donc, si je comprends bien, cette utilisation secondaire, c'est vraiment faire parler les données pour comprendre comment ça fonctionne et ensuite adapter les politiques de santé. Est ce qu'on peut alors, avec ces données aussi anticiper les besoins futurs? 

GREGORY PIERQUIN : Oui, exactement. Par exemple, si on remarque dans une région, avec des données qu'on a au niveau des mutualités, une augmentation de pathologies liées au stress, on va pouvoir mettre en place des actions avec des partenaires locaux pour vraiment essayer de travailler sur ces choses qu'on constate. Donc, une mutualité va pouvoir identifier les membres, par exemple, qui ne se sont pas rendus chez un dentiste pour leur conseiller d'aller faire leur traitement annuel. Toutes ces données sont là pour répondre aux besoins des membres, mais aussi pour contribuer à relever des défis majeurs dans les soins de santé. On va penser à ça, par exemple, aux maladies chroniques ou aux effets du vieillissement de la population.

MARIANNE : Et j'imagine. bien sûr, on n'a pas envie que nos données personnelles de santé, style les résultats de ma prise de sang, soient disponibles ou soient accessibles à n'importe qui. Donc, il y a bien sûr des enjeux de protection des données personnelles et de sécurité ? 

GREGORY PIERQUIN : Tout à fait. Alors, c'est très important que les citoyens aient confiance dans tous les systèmes où sont collectées leurs données, où sont utilisées leurs données. Ils doivent être rassurés sur l'utilisation des données. Donc, on doit avoir une transparence pour l'utilisation des données secondaires, comme j'en parlais. Il faut d'ailleurs le consentement explicite des personnes. On a un cadre qui est très réglementé, un cadre européen également. Et on a également une finalité qui est expliquée. Par exemple, on ne peut pas utiliser les données pour faire de la discrimination. C'est-à-dire que via votre monde connecté, si on voit que vous n'avez pas une vie sédentaire, on ne peut pas utiliser ces données pour augmenter les primes d'assurance par exemple. 

MARIANNE : Comment alors les mutualités vont protéger ces données ? Concrètement, quelles sont les actions que les mutualités mènent pour protéger toutes ces données ? 

GREGORY PIERQUIN : Alors les mutualités investissent beaucoup dans tout ce qui est cybersécurité, mais également les autres organismes assureurs. On travaille à avoir des systèmes sécurisés qui sont équipés de manière correcte, qu'on ait une bonne protection de notre infrastructure. Ça permet de rassurer nos membres, qu'ils aient l'esprit tranquille, par rapport à la protection de leurs données. On va, par exemple, sécuriser tous les accès, s'assurer de l'identification de l'utilisation sur nos systèmes. On va chiffrer les données, on va vérifier qui a accès, qui regarde les données, on va détecter toutes les anomalies. C'est énormément de travail à ce niveau là, au niveau de la cybersécurité.  

MARIANNE : Je voudrais maintenant aborder aussi avec toi deux acteurs qui jouent vraiment un rôle clé dans la gestion des données de santé. Il y a d'une part l'Agence InterMutualiste et puis, d'autre part, la Health Data Agency. Est ce que tu peux nous expliquer qui sont ces acteurs ?  

GREGORY PIERQUIN : Alors l'Agence InterMutualiste, l’AIM, joue un rôle très important dans le traitement, l'analyse et la mise à disposition des données des mutualités. Donc savoir toutes les données sur les soins, les médicaments remboursés de tous les citoyens belges dans le cadre du régime de l'assurance maladie, c'est un volume de données qui est assez important, qui est incroyablement important, qui a un très grand intérêt, aussi bien pour les chercheurs que pour les décideurs politiques. 
Qu'est ce que fait l’AIM de manière concrète ? Elle développe plusieurs outils. Le premier outil, par exemple, c'est le baromètre hospitalier pour pouvoir avoir une analyse de tous les montants facturés au patient pour un séjour hospitalier, avec une vue effectivement sur les suppléments d'honoraires, par exemple. Mais on va avoir aussi l'Atlas de l'AIM, qui contient beaucoup d'indicateurs pertinents pour les politiques sur les caractéristiques socio-démographiques, mais aussi sur l'utilisation des soins de santé. Tout ça est évidemment accessible gratuitement et permet d'être utilisé par quiconque le souhaite pour avoir des informations à ce niveau là. 
Et puis on a aussi la Health Data Agency. Ça c'est un nouvel acteur dans le domaine. Ça facilite en fait le flux de transferts de données entre les différents acteurs du secteur. On va avoir les hôpitaux, le monde universitaire, différents chercheurs qui veulent pouvoir accéder à toutes ces données, et tout ça est garanti par la HDA, en termes d'accès aux données. Ce qui est sûr, c'est que ça permet en fait de rassembler toutes ces données et de pouvoir les mettre à disposition aux personnes qui en ont besoin. 

MARIANNE : Toutes les données qui viennent, j'imagine, de différentes sources …  

GREGORY PIERQUIN : Qui viennent de différentes sources, de différents acteurs au niveau des soins de santé.

MARIANNE : Et tout ça, c'est ce qui se passe en Belgique. Il y a aussi, j'imagine, quelque chose qui se passe au niveau de l'Europe parce que les Européens voyagent. On a aussi pas mal de Belges qui vont passer leurs vieux jours au soleil. On ne compte pas le nombre de Belges qui partent vivre à Benidorm. Est-ce que ces personnes ont encore accès à leurs données de santé?  

GREGORY PIERQUIN : Alors c'est effectivement le projet European Health Data Space … 

MARIANNE : … A ne pas confondre avec Health Data Agency, parce que ça se ressemble un peu quand même ? 

GREGORY PIERQUIN :  Ca se ressemble, mais c'est vraiment ici, on est sur le cadre européen et on est vraiment dans cette ambition de pouvoir accéder aux données de santé, que ce soit en Belgique ou en Europe, avec par exemple, si vous êtes en Espagne et que vous avez un souci, le médecin espagnol va pouvoir accéder à votre dossier patient et vice-versa quand vous rentrez en Belgique, les informations sont également disponibles pour votre médecin traitant. Ça facilite donc l'échange des données entre les états membres pour cette partie là, mais aussi pour tout ce qui est recherche et innovation. L'idée c'est qu'on puisse demain avoir une entreprise allemande, par exemple, qui puisse utiliser les données de santé. Pas que l'Allemagne, mais également de la Belgique, de la France, de l'Espagne. Pour pouvoir faire une analyse plus complète et avoir une analyse au niveau européen et plus au niveau national.

MARIANNE : Pour aussi avoir des objectifs de santé au niveau européen, j'imagine, et aider la santé des Européens. Et tout ça, ça ne va pas se faire non plus sans tout ce qui est littératie en santé. Parce qu'aujourd'hui, un tiers de la population belge âgée de quinze ans et plus a un faible niveau de littératie en santé. Donc ils n'ont pas les compétences suffisantes, je dirais, pour prendre des décisions éclairées sur leur santé. C'est un défi, ça aussi ?  

GREGORY PIERQUIN :  C'est un très grand défi. Et c'est un défi également pour les mutualités d'accompagner leurs membres, de comprendre et de pouvoir leur expliquer ce qu'on fait avec les données. Ça veut dire le monde digital, mais aussi le monde de la data, des données, et de pouvoir vraiment les aider et les accompagner pour qu'ils puissent comprendre leurs droits et puissent aussi exercer leurs droits en fonction de leurs données pour demain être vraiment maître de leurs données. 

MARIANNE : Voilà, c'est avec ce beau défi qu'on va clôturer ce podcast. Merci beaucoup Grégory pour cet échange. 

GREGORY PIERQUIN :  Merci beaucoup. 

MARIANNE : Je rappelle aussi à nos auditeurs que tu es CDO, donc Chief Data Officer, pour les Mutualités Libres et donc on est ravis d'avoir pu t'accueillir dans ce podcast. Et vous, chers auditeurs, j'espère que ça vous a plu également. N'hésitez pas à nous laisser un commentaire, à attribuer une note à ce podcast. Et si vous voulez explorer d'autres sujets de santé avec nous, et bien découvrez notre série sur toutes les plateformes d'écoute. Vous trouverez notamment un épisode sur les antibiotiques, le burn-out ou encore la qualité de l'air. Et nous, on se retrouve bientôt pour un nouveau podcast ! Merci de nous avoir écoutés et à très bientôt.