Organisation des soins

Après 20 ans, la loi relative aux droits des patients a besoin d'un petit rafraîchissement

La Belgique dispose d'une loi sur les droits des patients depuis 2002. Cette loi garantit que quiconque bénéficie de soins de santé dispose de différents droits. Les patients savent ainsi à quoi s'attendre tandis que les prestataires de soins de santé savent ce que l'on attend d'eux. Toutefois, le paysage des soins de santé était bien différent il y a 20 ans et les besoins des patients ont eux aussi évolué. Il est temps de rafraîchir la législation.
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En ce début d’année, le ministre Vandenbroucke a demandé à Tom Goffin (UGent) et Jacqueline Herremans (barreau de Bruxelles), tous deux experts en droits des patients, d'actualiser la loi. Leur proposition s'articule autour de trois axes : 

  1. les droits du patient dans l'intérêt du patient
  2. les droits du patient avec le patient
  3. les droits du patient par le patient. 

 

Deux experts des Mutualités Libres, Ruud Saerens et Benoit Mores, nous ont parlé du projet de loi. 

"Les droits du patient dans l'intérêt du patient", passer du médical à l'humain. Comment aborder cette problématique ?

Ruud : Il est important d'aller au-delà de l'aspect médical. On peut conseiller à un patient d'arrêter de fumer et de faire plus d'exercice. Mais pour le patient en question, cela ne sera peut-être pas si important que ça et il souhaitera plutôt se fixer d'autres objectifs que ceux que le prestataire de soins de santé a à l'esprit. C'est une chose qu'il faut respecter. Aujourd'hui, nous ne pouvons plus nous focaliser sur l’avis médical, mais nous devons également tenir compte de l'état d'esprit et des souhaits du patient. En tant que prestataire de soins de santé, il faut oser lâcher prise, dans une certaine mesure. Nous ne partons plus seulement de ce qui est scientifiquement recommandé, mais plutôt de la personne elle-même. Et nous devons trouver un équilibre entre les deux. Il s'agit d'un état d'esprit relativement nouveau qui gagne en importance, mais qui n'est pas encore tout à fait prévalent sur le terrain. Il y a cependant un mouvement clair dans la bonne direction.

Benoit : Le fait que nous allons inscrire dans la loi que les patients doivent être plus étroitement impliqués dans le plan de traitement, les tests, les résultats... est une bonne façon de travailler. Je vois toutefois une occasion manquée dans la digitalisation des données. ll y a 20 ans, il était stipulé que si le patient souhaitait consulter son dossier médical papier pour en obtenir une copie, par exemple, ou pour corriger des informations, etc., le médecin disposait de 15 jours pour répondre. Aujourd'hui, à l'heure de la digitalisation, cela devrait être possible beaucoup plus rapidement. Cela donnerait une plus grande liberté aux patients pour gérer leurs données et en tirer des enseignements.

"Les droits du patient avec le patient". Qu'en est-il des autres parties impliquées qui ne sont pas du secteur médical ?

Ruud : Il devrait également être possible de transmettre des informations sur le patient à d'autres parties concernées, un travailleur social par exemple. Les barrières entre le bien-être et la santé, les soins de première ligne et la santé mentale, entre autres, sont encore trop ancrées aujourd'hui et devraient être abattues en vue de créer une meilleure connexion et de meilleurs soins. Nous devons donner le contrôle au patient : "Avec qui vais-je partager mes données et objectifs de santé ?" Actuellement, par exemple, un patient ne peut pas facilement partager son dossier médical avec un travailleur social ou le CPAS, alors qu'il s'agit d'un élément essentiel des soins intégrés.

Benoit : En ce qui concerne les travailleurs sociaux, je voudrais nuancer. Aujourd'hui, la loi des droits du patient ne concerne que la relation entre un prestataire de soins de santé et son patient, et non les travailleurs sociaux. Lorsque nous partageons des informations provenant des dossiers des patients, nous devons être très prudents. Les données strictement médicales sont soumises au secret professionnel.

La seule chose que le patient peut faire avec son dossier médical électronique est de spécifier que certains prestataires de soins de santé figurant sur la liste des relations thérapeutiques n'ont pas accès au dossier. Mais en tant que patient, vous-même ne pouvez pas ajouter d'autres personnes. ll y a une proposition d'ajouter les membres de la famille et les amis. Ce serait une évolution très positive, car de nombreux patients, en particulier les personnes âgées, confient certains aspects à un membre de leur famille ou à leur meilleur ami, à savoir leur aidant proche. Ce serait une bonne chose que l'aidant proche puisse, par exemple, consulter la liste des médicaments ou des résultats de test afin de préparer ensemble la visite de l'infirmière ou la consultation chez le médecin.  

"Les droits du patient par le patient", dans quelle mesure l'information doit-elle parvenir au patient ?

Ruud : Le principe de transparence est important, mais la complexité est immense. Nous devons veiller à ce que les informations que les patients reçoivent soient clairement compréhensibles, complètes et rapidement disponibles. Mais les modalités pour y parvenir sont encore insuffisantes aujourd'hui. Tous les patients n'ont pas les mêmes compétences en matière de santé, et c'est certainement un grand défi.

Benoit : L'engagement en faveur d'une plus grande transparence est un développement positif de la loi qualité du 22 avril 2019. Comment un patient peut-il connaître l'expérience réelle d'un médecin sur le terrain ? Les médecins peuvent présenter leurs qualifications professionnelles, mais ce n'est pas tout. Les hôpitaux prestigieux le feront en demandant aux prestataires de soins de publier des articles sur les résultats qu'ils obtiennent auprès de leurs patients. Mais ce n'est pas le cas partout. Il faut réfléchir à la manière d'informer les patients et de s'assurer qu'ils reçoivent le meilleur traitement dans le meilleur centre du pays. Il faut responsabiliser les patients et la "loi relative aux droits des patients" sera sans aucun doute leur alliée !

Ruud Saerens - Lead Representation. Fed Strategische Vertegenwoordiging
Benoit Mores - Expert Representation. Fed Strategische Vertegenwoordiging

Ruud Saerens et Benoit Mores