La semaine passée, l'Europe a décidé de prolonger l'autorisation d'utiliser le glyphosate jusqu'en décembre 2022. Un signal plutôt étrange à l'époque du Green Deal. C'est ce qui a incité le Conseil Supérieur de la Santé à plaider pour "une économie plus durable ne laissant pas de place au glyphosate".
Nous ne pouvons qu’approuver cette approche. Un produit comme le glyphosate est non seulement cancérigène, mais c'est aussi un perturbateur endocrinien. Et le glyphosate n'est pas le seul. Aujourd'hui, on estime à 140.000 le nombre de substances chimiques sur le marché, dont seulement 1 % d'entre elles ont été testées pour leurs effets de perturbation endocrinienne. Une étude récente a évalué le coût des perturbateurs endocriniens à 163 milliards d’euros par an en Europe.
Élaboration d'une politique
Les Mutualités Libres soutiennent donc l'appel urgent du Conseil Supérieur de la Santé en faveur de la mise en place rapide d’une politique visant à bannir les perturbateurs endocriniens de notre vie quotidienne. Ces substances sont en effet omniprésentes : dans nos vêtements, dans les emballages, dans les cosmétiques, etc. Il est extrêmement important que les citoyens en prennent davantage conscience afin d’en réduire l'exposition dans leur foyer.
On peut dire que les étoiles sont bien alignées en Belgique pour enfin commencer à travailler sur une politique en la matière. En 2018, le Sénat publiait déjà un rapport détaillé contenant des dizaines de recommandations, et en 2019, le Conseil Supérieur de la Santé rédigeait un avis visant à limiter l'exposition aux perturbateurs endocriniens, en particulier chez les fœtus, les bébés, les enfants et les adolescents. De plus, la Belgique travaille en ce moment sur un plan d'actions national pour aborder la problématique des perturbateurs endocriniens. Il faut espérer que les différentes autorités de ce pays parviendront à s'aligner dans ce domaine cette année.
Pour les Mutualités Libres, les éléments suivants devraient déjà faire partie du plan d'action national :
- Il est essentiel d'informer et de sensibiliser les citoyens : aujourd'hui, ils ne sont pas suffisamment conscients du risque. Il s'agit d'une matière complexe. Il est dès lors primordial que ces messages soient formulés de manière claire et compréhensible. Les mutualités et les prestataires de soins peuvent également jouer un rôle dans cette sensibilisation.
- Une innovation et une recherche plus écologiques sont un must : seulement 1 % des substances chimiques ont été testées pour leurs effets toxiques aujourd'hui. Il faut travailler sur ce point et soutenir la recherche d'alternatives plus sûres. Après le Covid-19, il y a une volonté d'aborder les choses différemment et les autorités doivent en tirer le meilleur parti.
- La politique doit être fondée sur le principe de précaution : il faut un cadre juridique clair évitant de prendre des risques inutiles et se concentrant sur la protection de la santé publique, même si toutes les preuves scientifiques ne sont pas encore disponibles. Les différentes autorités doivent s'accorder sur ce point afin de mener une politique uniforme.
- La Belgique peut jouer un rôle de pionnier en Europe : le Sénat a déjà recommandé en 2018 que la Belgique montre le bon exemple. Un plan d'action national est à présent en route et, au niveau européen, le Green Deal fournit le contexte pour concrétiser ce projet. La Belgique peut ici unir ses forces à celles d’États membres tels que la France, la Suède et le Danemark qui se penchent aussi sur la problématique des perturbateurs endocriniens et qui, comme la Belgique, assumeront la présidence de l'UE dans les années à venir.
Ce dossier est un thème prioritaire pour les Mutualités Libres. C'est pourquoi elles organisent, en collaboration avec Health and Environment Alliance (HEAL), le symposium "Perturbateurs endocriniens : réduire l’impact sur notre santé" ce 19 novembre.
Christian Horemans, Expert Affaires internationales